Toujours en cavale

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La torche vacillante perçait avec difficulté la nuit glaciale et humide. Le sol boueux et gelé trahissait le moindre audacieux enchaînant un pied devant l’autre. C’est pour cela par ailleurs que dehors, il n’y avait personne. Personne ? Non, un petit groupe (deux personnes c’est déjà un groupe !) résistait à l’oppresseur appelé justice. En effet ils venaient de s’évader de prison, échappant in extremis aux gardes grâce à une télétransportation de Chara la petite brownie révolutionnaire.

Galleon fixait avec étonnement cette petite masse sombre que la flamme n’éclairait qu’à peine et qui l’avait amené dans un coup de vent devant une bâtisse, hors de la geôle. En réfléchissant cinq secondes il comprit que seule une brownie était capable d’une telle prouesse, et que la seule représentante de l’espèce susnommée était celle qui ronchonnait en prison.

Sous la brise glacée une enseigne se balançait avec un grincement sordide.

Ne se voulant pas ingrat, et ne voulant risquer de devoir s’acquitter du service en numéraire, Galleon se montra poli, et essaya d’être agréable :

« Euh… r’ci. »

Au milieu de cette masse informe se mit à luire des yeux pleins d’étoiles. Etait-elle sous le choc ? Ou n’était-elle pas habituée aux remerciements, car comme chacun le sait, un brownie doit avoir un maître. D’ailleurs…

« Ouais, maintenant, vas voir ton maître. »

Il se retourna sans maintenant lui prêter la moindre attention. Tandis qu’il ouvrait la vieille porte derrière laquelle se déroulait une ambiance enjouée et paillarde il sentait quelque chose s’agiter dans son dos. Même que cette chose parlait, mais ce qu’elle disait, ça, il s’en foutait royalement.

Il avança vers le comptoir, les yeux baissés pour ne pas trop attirer l’attention sur lui et sur ses yeux démoniaques. Bien que chaleureuse, l’atmosphère restait ordonnée. Il arriva vers le tavernier, ignorant toujours le moucheron qui était presque à sautiller autours de lui et commanda :

« Pinte d’hydromel pour moi patron ! »

Alors qu’il époussetait sa choppe, le barman fut surpris par la porte d’entrée qui s’ouvrit en un jet, claquant comme le tonnerre, et faisant souffrir les gonds. De la nuit surgirent trois gaillards à la forte voix et apparemment habitués de ce coin.

« Chef ! Un tonneau bière pour moi et mes gars, faut qu’on reprenne des forces avant que le grand manitou nous passe un sacré savon ! »

Ils s’accoudèrent au comptoir bousculant le discret Erewent qui prêta une oreille curieuse à la conversation :

« Purée ! Deux gringalets, z’ont réussis à se barrer d’la taule ! Pouf ! Devant nous i’z’ont disparus ! »

Le tavernier qui était attentif déposa lourdement la pinte d’hydromel devant Galleon qui sentit la chaleur monter...

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Toujours serrée contre son "héros", Chara ouvrit doucement les paupières, découvrant ainsi la ruelle sordide dans laquelle elle venait de les téléporter plus par hasard que par véritable décision. Lorsque son regard tomba sur un Erewent qui la fixait les yeux ronds, elle relâcha son étreinte et lui adressa son sourire le plus charmant (ce qui était peine perdue étant donné l'obscurité de la ruelle mais c'est l'intention qui compte parait-il...). Sourire qui ne manqua de se flétrir en moins de deux lorsque le garçon, après l'avoir brièvement remercié, lui jeta de retourner voir son maître avant de pousser la porte de la taverne d'où provenait des échos de chansons qui auraient fait rougir toute jeune fille prude et innocente.

-"Non ! N'entre pas là dedans !" s'écria-t-elle lorsqu'elle se rendit compte que cette taverne n'était autre que celle qui jouxtait la prison.

Vu sa position, il ne fallait pas être devin pour savoir qui étaient les soûlards qui peuplaient le bar ! La simple vision des épées et des côtes de mailles luisantes lui confirma l'affreuse vérité : il allait lui arriver des problèmes et il était hors de question qu'elle le laisse alors qu'il venait de la sauver si héroïquement donc en conclusion c'était aussi à elle qu'il arriverait malheur. C'est donc en continuant de tourner autour de son mai... compagnon tout en le conjurant de sortir qu'elle finit par atteindre le bar. Étrangement ils se firent à peine remarquer, même lorsqu'un garde raconta leur évasion à quelques mètres d'eux. Le petit brownie pensa alors que la situation n'était peut-être pas si désespérée quand...

L'oeil du garde tiqua.

-"Toi. Tu me dis quelque chose..."

En voulant presser sa commande le garde s'était approché un peu plus du tavernier, et par conséquent de l'Erewent qui faisait émerger les vagues souvenirs de la scène dans l'esprit lent et étroit du soldat. Louchant sur le garçon, il se rapprochait de plus en plus, plissant le front sous l'effort de mémoire. Soudain une lueur sembla naître dans ses yeux, telle une révélation, il ouvrit la bouche et... Chara bondit devant lui, un sourire nerveux aux lèvres.

-"Mais bien sûr ! Vous l'avez sûrement vu hier au bar, mais vous aviez tellement bu que ça n'a pas dû vous marquer héhéhé... il faut dire que vous n'êtes pas forcé de vous en souvenir non plus hein ! Euh... Prenez donc une choppe !"

Elle lui fourra alors précipitamment un verre dans les mains, priant pour que le garde soit trop bête pour contredire ses paroles. Se penchant vers Galleon, elle lui souffla à l'oreille :

-"Il faut sortir et vite ! Cette taverne est un vrai nid à garde !"

Comme il fallait s'y attendre, le garçon lui portait toujours autant d'attention qu'à la couleur de ses chaussettes. L'adolescente sentait la tension l'envahir doucement alors que s'installait en elle un mauvais, très mauvais pressentiment. Ce fut ce moment que le garde choisit pour lui tapoter l'épaule, un sourire mauvais sur le visage. Un visage qui n'était pas inconnu à la jeune brownie d'ailleurs vu qu'il n'était autre que celui qui la catapultait sur la place publique depuis des semaines lorsqu'elle demandait audience pour une amélioration des droits de sa race.

**Euh... merde.**

-"Le p'tit gars m'était juste familier mais toi j'te connais bien Madame l'activiste !"

Tout en parlant le soldat se mit debout, exhibant une épée plus haute que l'enfant dont les yeux s'agrandirent démesurément sous l'effet de la peur, et entreprit de la pointer en direction des évadés. Chara déglutit bruyamment tout en se rapprochant doucement de l'Erewent pour tenter une fuite éclair. Le garde ayant saisit l'idée se déplaça vivement pour prendre place entre eux avant de rétorquer, l'air horriblement satisfait :

-"Allez en prison ! Ne passez pas parla case départ, ne recevez pas 20 000 pièce d'or !"

Chara leva timidement la tête et demanda avec un sourire nerveux :

-"On... a le droit à un joker ?"

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Vala avait attendu son client dans cette taverne pendant des heures (une et demie en fait) et au moment où elle avait décidé qu’il ne viendrai plus et où elle s’apprêtait à partir l’homme s’était assis en face d’elle. Contrairement à elle, il dissimulait ses traits sous une capuche et un long manteau brun. Elle en avait presque éclaté de rire mais il devait la prendre pour une banale aveugle et n’aurait sans doute jamais soupçonné la nature de son pouvoir et pour le laisser à ses illusions, elle s’était finalement contentée de se pencher vers lui et de murmurer qu’elle voulait son du. Quand l’autre avait refusé de lui donner sous le prétexte qu’il n’avait pas de preuve que c’était bien elle qui avait accompli le travail qu’il lui avait confié, elle avait faillit le tuer sur place. Mais au milieu d’une taverne fréquentée par les gardes, il lui était apparu que c’était peut-être peu prudent. L’homme était parti et à sa démarche, elle avait sentit qu’il était content de son coup.

*Profite de ta satisfaction, tant que tu le peux. Je vais m’arranger pour que tu apprennes ce qui est arrivé à tous ceux qui m’ont roulée. Et l’an prochain… l’an prochain tu prieras, tu supplieras que je t’épargne.*

Elle achevait sa pensée de revanche lorsque quelqu’un entra dans la taverne. Il était suivit d’un autre et le groupe attira immédiatement l’attention. Ce n’était pas souvent qu’on voyait une Brownie se glisser dans ce genre d’établissement. Mais la seconde suivante, tous étaient retournés à leurs occupations : on voyait de tout dans une taverne. Vala continua d’observer le groupe par les yeux seuls du tavernier et de la brownie. L’homme avait les cheveux gris en bataille et un aspect frêle. Le fait étrange, c’est qu’il gardait les yeux baissés. La porte de la taverne s’ouvrit encore, à la volée cette fois. Trois hommes entrèrent et se dirigèrent droit vers le comptoir, à juste un mètre de sa table. Apparemment le tavernier les connaissait car il ne leur prêta plus qu’une vague attention après leur entrée fracassante.

Il savait sans doute ce qu’ils voulaient car il ne changea pas d’attitude quand les trois gaillards lui commandèrent un tonneau de bière.

– Purée ! Deux gringalets, z’ont réussis à se barrer d’la taule ! Pouf ! Devant nous i’z’ont disparus !

La phrase avait retenti dans toute la taverne et le voisin des gardes, le gars avec les cheveux en bataille, sembla soudain mal à l’aise. Vala eut un sourire. Un fugitif ? Sur un coup de tête, elle décida de l’aider à se faire la malle. Elle s’apprêtait à intervenir lorsque la brownie, qu’elle avait presque oubliée, s’interposa entre le garde et le garçon. Après avoir débité une phrase à toute allure, elle fourra avec force une choppe dans les mains grasses du buveur.

Bien qu’ignorée royalement par son compagnon, elle semblait ne pas vouloir le quitter. Sinon, elle se serait sans doute téléportée quand le garde l’avait interpellée plutôt que de tenter de se rapprocher de son camarade. Quelle pitié ! Pourquoi ne partait-elle pas, simplement. L’autre n’était visiblement pas en danger. Elle se décida tout de même à intervenir.

− Le jour où vous arriverez à garder une brownie en prison, je pourrais bien devenir végétarienne. Pour arrêter quelqu’un qui maîtrise ce genre de pouvoir, tu t’y prends d’une façon qui est pire que mauvaise. Elle aurait déjà pus te filer entre les doigts. Mais on ne peut pas trop en demander à quelqu’un d’aussi peu futé, n’est-ce pas ?

Elle espérait, en agissant ainsi, détourner suffisamment l’attention des gardes pour que ceux-ci ne pensent plus aux deux évadés.

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« Le jour où vous arriverez à garder une brownie en prison, je pourrais bien devenir végétarienne. Pour arrêter quelqu’un qui maîtrise ce genre de pouvoir, tu t’y prends d’une façon qui est pire que mauvaise. Elle aurait déjà pus te filer entre les doigts. Mais on ne peut pas trop en demander à quelqu’un d’aussi peu futé, n’est-ce pas ? »

Les mots avaient claqués dans l’air comme une pointe de fouet à 800 km/h sur des fesses de bébé. Le garde se détourna de Galleon et Chara pour considérer l’inconnue. Etrange était bien faible pour décrire cette elfe, mais nous dirons que le bandeau qui masquait ses yeux étonnait grandement l’erewent qui se demandait comment elle faisait, ne serait-ce que pour rendre la monnaie sans se tromper.

Le gradé colosse sortit de sa torpeur pour blâmer l’impertinente à coup de juron insultant tout le genre féminin et elfique. Galleon profita de ces instants pour poser en toute discrétion deux doigts sur le dos du garde.

Il sembla un instant s’essouffler.

Puis il se tourna vers la petite révolutionnaire pour pointer son gros doigt velu et moche :

« Quant à toi petite ch…se tu la boucles et tu vas sagement retourner en cabane ! »

Il pâlît. Il dégoulinait de sueur et respirait avec difficulté.

« En fait ... vous tous… vous la boucler passs…que je… vous boucle… ah ah ! »

Toute la salle le regarda s’éteindre petit à petit, comme une flammèche au pôle nord. Ses yeux se fermèrent et il tomba à genoux, blanc comme un linge.

Galleon retira ses deux doigts. Contrairement à l’autre, il se sentait revigorer. L’absorption d’un être vivant était beaucoup plus vivifiante que six tonneaux d’hydromel ! En parlant de ça, il vida sa pinte car si les choses continuaient ainsi, il y aurait de grandes chances de partir précipitamment… (donc sans payer !)

Il se mit aussi à penser que la petite brownie pouvait être bien utile au final. Il n'aimait pas compter sur les autres mais il savait toujours élargir son cercle social quand du profit et une petite téléportation salvatrice frappaient à sa porte. Alors pour le première fois il porta son regard sur Chara et la fixa droit dans les yeux...